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Episode 1 #TRESORS D'ARCHIVES : LE WAGON DE L'EMPEREUR

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Lorsque le chemin de fer se développe en France sous le Second Empire, les lignes ferroviaires sont concédées à six compagnies. Chacune d’entre elles met à la disposition de l’Empereur un train. Le premier train impérial est livré par la compagnie du Nord en 1855, le second en 1856 par la compagnie Paris-Orléans, le troisième en 1857 par la compagnie de l’Est. 

 

La maquette du wagon, conservée au département Archives, datée de 1868, est une commande de la Compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée. En fonctionnement depuis 1857, cette ligne dessert le sud-est de la France et notamment la côte d’Azur, lieu de villégiature prisé de l’aristocratie. L’emprunt de cette ligne par Napoléon III lui vaut le titre d’artère impériale. 

LES DESSOUS D'UNE COMMANDE PRESTIGIEUSE

Le 2 mars 1868, Ternisien, célèbre tapissier-décorateur, commande à Braquenié, l’ensemble des étoffes, tapisseries et tapis habillant le wagon de l’Empereur.

 

Fort de son expérience sur le décor du train de 1856, il donne des consignes très précises à Braquenié. Les lettres échangées entre la manufacture et le tapissier permettent de suivre l’évolution de cette commande exceptionnelle : de la liste des produits à tisser aux problèmes de délais, en passant par les ajustements à faire ou la négociation des prix. Il coordonne également les différents corps de métiers intervenant sur ce chantier, répartissant les échantillons entre brodeurs et passementiers afin d’harmoniser le décor.

L’AMENAGEMENT ET LE DECOR DU WAGON

Le wagon est divisé en deux espaces : la chambre de l’Empereur Napoléon III et celle de l’impératrice Eugénie.

 


Les deux pièces sont reliées par un étroit passage et sont longées également par un long couloir permettant aux domestiques d’entrer indépendamment dans les chambres du couple. Un troisième espace est dévolu au prince impérial, sans que l’on puisse définir s’il se situe dans le même wagon ou pas. 

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On connaît précisément le motif du tapis du couloir en raison d’une lettre accompagnée de l’étoffe employée pour les tentures du corridor auquel il doit se coordonner.

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Des rideaux et portières en tapisserie, des panneaux d’alcôve, de plafond, une courtepointe, des métrages de taffetas et des tapis en savonnerie de style Premier Empire constituent le décor de ce wagon. 

UN LANGAGE DECORATIF FORMEL DEVOLU A CHAQUE MEMBRE DE LA FAMILLE

Dans un courrier daté du 6 mai 1868, Ternisien insiste sur le style des tapis à fournir :
« Celui de l’Empereur plus représentatif, l’Impératrice élégant, le Prince impérial simple. Vous ferez ces tapis suivant votre impulsion. »
Dessinés par Paullet & Tétrel à la manufacture, ils présentent un décor néoclassique, hérité du Premier Empire. 

 

Les deux tapis, à gauche, sont clairement identifiés comme ceux du couple impérial. Les deux autres modèles présentent les mêmes éléments décoratifs que les premiers avec un traitement général plus simple. Peut-être deux versions proposées pour le Prince impérial ? 

Le tapis dessiné pour Napoléon III est une adaptation d’un tapis d’époque Empire, aujourd’hui conservé au Vatican que Napoléon Ier offrit au pape Pie VII en 1804 pour le remercier de s’être déplacé pour son sacre. Le symbole est fort. En choisissant  de reproduire ce tapis, il souhaite souligner sa filiation avec Napoléon Ier dont il est le neveu. 


LE WAGON MYSTERIEUX

Le recueil de commandes témoigne de la livraison des produits et du paiement. Dans une de ses lettres, Ternisien indique que l’Empereur ira en Corse le 15 août et que les tapis doivent être livrés au plus tard fin juillet.
La commande est clôturée le 10 août 1868. A ce jour, aucune trace matérielle de ce wagon et de son décor n’a été retrouvée dans les collections publiques.

 

Qui sait ? Peut-être cette publication permettra de localiser ces tapis ou étoffes oubliés dans quelques réserves ou greniers.