Une exposition dans la maison d’un célèbre écrivain ? La Maison Pierre Frey ne pouvait rêver mieux pour révéler au grand public son patrimoine lié au monde littéraire.
Fruit d’un partenariat scientifique, l’exposition, présentée jusqu’au 24 juillet, propose de rentrer dans l’intimité et les créations romanesques des écrivains naturalistes du XIXe siècle. A cette occasion, la Maison prête une quarantaine d’œuvres pour la plupart inédites, choisies dans les fonds patrimoniaux de Braquenié et Le Manach. Ainsi, tissus, papiers peints, tableaux, manuscrits, romans et recueils de commandes dessinent les contours d’une société en pleine mutation où le textile est roi.
Pierre Frey, partenaire de la maison de Chateaubriand
Au cours du XXe siècle, plusieurs pièces de la maison de Chateaubriand furent décorées de tissus provenant de la collection Braquenié. Les nouvelles restaurations des chambres Récamier et Chateaubriand en 2019 ont permis de renouer le lien entre ce lieu magique et Pierre Frey. De là, est né le projet d’une exposition patrimoniale commune sur les étoffes et les écrivains. Les mots « textile » et « texte » ont la même racine latine, qui signifie « tisser ». Le terme « texte », apparu au XIIe siècle dans la littérature romane, vient du latin textus, qui a le double sens de « tissu, trame » et de « texte-récit ». Ainsi, l’acte d’écrire s’apparente à celui de tisser.
Les deux Maisons étaient faites pour se rencontrer et collaborer !

UN SUJET INEDIT
C’est Edmond de Goncourt, auteur de "Chérie", "La maison d’un artiste" et créateur par voie testamentaire du prix éponyme qui a donné le fil conducteur de l’exposition.

Cette exposition lève le voile sur le rapport aux étoffes qu’entretiennent les auteurs naturalistes du XIXe siècle dans leur intimité et dans leurs écrits. Elle s’articule en quatre sections : le textile chez les écrivains, le textile dans le roman, les métiers des étoffes et un focus sur l’hôte des lieux, François-René de Chateaubriand. Celui-ci ne portait pas un grand intérêt aux étoffes mais ses œuvres, surtout Atala, ont largement été reproduites sur des toiles imprimées et dans les arts décoratifs.

LES ECRIVAINS CHEZ EUX
Honoré de Balzac, Victor Hugo, George Sand, Edmond et Jules de Goncourt, Émile Zola, Guy de Maupassant ou encore Jean Cocteau plus tard... Tous ces écrivains étaient particulièrement investis dans l’aménagement de leurs intérieurs. Du panier percé au bibelotier en passant par l’amateur inspiré ou l’éclectique, chacun d’entre eux a développé un rapport très personnel aux tissus. Leurs écrits, les portraits des demeures des grands hommes, nouveau genre littéraire à l’époque, peintures, gravures et factures permettent de retracer leurs goûts personnels. Les recueils de commandes Braquenié constituent une source historique de premier choix.

LES ETOFFES DANS LA LITTERATURE
Les romans naturalistes fourmillent de détails réalistes sur la décoration et les textiles. Honoré de Balzac, Victor Hugo, George Sand, Emile Zola ou Guy de Maupassant les ont largement employés pour caractériser leurs personnages, leur statut social, leurs ambitions mais également de façon métaphorique pour évoquer les corps cachés des femmes du Second Empire, marqué par la pudibonderie.

La place importante des métiers des étoffes dans les romans, favorisée par la révolution industrielle, lève un voile sur les manufactures, les grands magasins, le tapissier, la grisette, la blanchisseuse ou encore le vendeur. La réalité est mise au service de la fiction. Zola ou Balzac forcent parfois légèrement le trait pour dépeindre des personnages hauts en couleur et narrer une intrigue aux multiples rebondissements.

DES ETOFFES A TOUCHER ET A VOIR
Les écrivains emploient une terminologie précise : "sergé, brocatelle, velours, brocart", que les lecteurs comprennent aisément tant le goût pour les étoffes est développé à l’époque. Ce vocabulaire renvoie à des techniques particulières mais également à des prix de vente connus de tous. Ainsi, en un seul mot, les auteurs projettaient leurs lecteurs dans un lieu et déterminaient l’aisance sociale des personnages.
Aujourd’hui, ce vocabulaire est moins utilisé, raison pour laquelle une galerie textile permet aux visiteurs de se familiariser avec les étoffes citées dans les romans en les touchant et en découvrant leur définition. Une façon pour tous de se replonger dans les classiques du XIXe siècle avec un nouveau regard.
A contrario, ils restent très évasifs concernant la couleur : "bleu, jaune, vert etc." constituent l’essentiel du vocabulaire utilisé. Alors que le XIXe siècle est marqué par la découverte des colorants chimiques, créant de nouvelles gammes chromatiques. Maupassant souligne la difficulté de les nommer : « Qui donc pourra indiquer leurs nuances avec des paroles ? Voyez les roses et les rouges, toute la gamme des lilas rouges, des lilas roses, des lilas orangés, et les verts si différents, si délicieux, si nouveaux, innombrables, innommables, que notre œil aujourd’hui distingue sans que notre bouche sache encore les définir. »
